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Jack NixonJack Nixon’s long career as a USAID officer included several years in Haiti during the 1970’s. Retired, he now lives in France with his wife, daughter, son-in-law, and several pets. His most recent previous article, a tongue–in–cheek piece entitled
1972 Dubious Achievement Awards for personnel of the American Embassy, Port-au-Prince,
appeared in
Vol. II, No. 2 of American Diplomacy.


Sans Titre
(le 26 juillet 1995)

by Jack L. Nixon

J’ai songé hier à un crime commis en Haïti en1971 dans un petit village nommé Chardonnières de la région côtière du Département du Sud. La ville la plus près est les Cayes, et c’est là que l’ambassade américaine m’a envoyé pour mener discrètement une enquête sur ce qui s’était passé. J’ai été logé pendant deux ou trois jours dans la communauté des oblats, des religieux américains et canadiens d’origine française qui connaissaient la victime et étaient au courant des circonstances de sa mort. J’ai rédigé un rapport détaillé au sujet de ce crime, mais comme l’ambassade voulait qu’il reste confidentiel, je n’a pu en garder aucune copie.

Port-au-Prince, Haiti

Il s’agissait d’intrigues politiques entre un ancien député et un prêtre vaudou qu’on appelle dans ce pays-là, si j’ai bon souvenir, un hougan , l’un aussi sinistre et malintentionné que l’autre. L’ancien député avait été par surcroît un tonton macoute . Or après la mort du vieux Duvalier (Papa Doc) son fils (Bébé Doc), en lui succédant, a supprimé d’emblée le pouvoir des terribles tontons macoutes. Le hougan a offert de restituer à l’ancien député son autorité presque illimitée, à condition que ce dernier lui donne le coeur et la langue d’un blanc. Je ne me rappelle plus pourquoi l’ancien député a décidé d’aller choisir à Chardonnières la personne destinée à être mutilée pour satisfaire aux exigences du hougan.

Les seuls blancs dans ce village étaitent des religieuses missionnaires de charité et le curé, un homme de trente ans environ, de nationalité américaine malgré son nom de famille français. C’est sur le coeur et la langue de cet infortuné curé que le tonton macoute déchu a jeté son dévolu. Le curé vivait seul dans une petite maison d’un étage. Depuis quelque temps il était déprimé et angoissé, tracassé par la nécessité de rendre je ne sais plus quels comptes à ses supérieurs. Evidemment l’ex-député, plutôt que d’assommer sa victime lui-même, a engagé un ou plusieurs paysans à le faire.

Les malfaiteurs ont travaillé la nuit. Le lendemain du crime les agents de police ont trouvé une échelle appuyée contre la fenêtre de la chambre à coucher de la victime. Tout portait à croire que quelque chose avait surpris ses bourreaux, les faisant fuir en toute hâte avant de terminer leur horrible mission. Quoique commencée, la mutilation était restée inachevée; le curé n’en était pas moins bel et bien mort. C’est une vielle religieuse qui a découvert le cadavre après l’aube.

Au bout de quelques jours les parents du curé assassiné, de braves gens vivant dans une région de la Nouvelle Angleterre, ont demandé au ministère d’intervenir auprès de l’ambassade pour réitérer leur consternation et demander des précisions au sujet de ce drame néfaste.

Après mon voyage aux Cayes, j’ai eu quelques échos de ce que les agents de police ont fait à Chardonnières. Ayant arrêté plusieurs suspects, il les ont amenés à la place centrale du village où ils les ont tabassés brutalement en attendant d’obtenir une confession. Le résultat de tout cela a été la mise à mort d’au moins une personne ou peut-être plus, mais pas du coupable principal, l’ancien député. Ce dernier a eu un certain nombre d’ennuis avec les autorités du nouveau régime (celui de Bébé Doc).

Quant au hougan , dépité de ne pas avoir reçu la totalité des organes qui l’intéressaient, il l’a laissé tomber. Je n’ai plus entendu parler de ce funeste hougan . Il a dû se cacher pendant quelque temps dans l’impénétrable nuit haïtien.

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